Les travailleurs canadiens racisés, en particulier ceux qui s’identifient comme Noirs, font face à une multitude de défis et à de la discrimination.
Qu’il s’agisse d’accès aux opportunités, de s’inquiéter à savoir si son CV semble suffisamment « blanc », de leur capacité à être vraiment eux-mêmes au travail sans répercussions, d’être la seule personne à représenter leur communauté au travail, les travailleurs noirs font quotidiennement face à des douzaines de petits et grands obstacles qui ont une incidence sur leur carrière et sur leur capacité à gagner leur vie.
Dans le cadre du Mois de l’histoire des Noirs, nous explorons les défis auxquels les travailleurs noirs doivent faire face et comment nous pouvons tous participer à améliorer l’expérience de travail des Canadiens noirs.
1. l’alternance codique (le code switching) doit être pris au sérieux
Qu'est-ce que le code-switching? On parle d’alternance codique lorsqu’une personne change son comportement, sa manière de parler ou de s’exprimer ou son apparence selon la situation ou son interlocuteur dans le but de faire partie d’un groupe ou de rendre les autres plus à l’aise.
Pour de nombreux membres de la communauté noire, cela se traduit par la liberté d’être soi-même avec ses amis, sa famille et ses proches (parler sa langue, son dialecte ou son registre de langue), mais devoir jouer un personnage au travail ou pour avoir accès à des services afin de limiter la discrimination.
L’alternance codique est présente surtout dans les milieux de travail, en particulier ceux où il y a peu de diversité. Les personnes racisées ressentent souvent une très grande pression à agir « comme tout le monde » au travail pour être traitées de manière juste et être jugées selon les mêmes critères que leurs collègues.
2. se préparer mentalement à subir de la discrimination
La grande majorité (soit 77 %) des Canadiens racisés admettent s’attendre à faire face à de la discrimination au travail. Les personnes ostracisées en raison de la couleur de leur peau, leur accent, leur culture ou d’autres facteurs savent bien comment leurs différences sont traitées de manière systémique.
Même si de nombreux Canadiens pensent vivre dans une société postraciale qui ne se compara pas à la société américaine marquée par l’esclavage, le Canada a, lui aussi, une longue histoire de racisme pur et simple ou de racisme occasionnel qui se poursuit encore de nos jours.
Ainsi 54 % des Canadiens noirs se disent la cible de discrimination continue; parmi eux, 40 % affirment que cette discrimination se produit au travail, le 2e endroit où il y a le plus de discrimination. La première place étant occupée par la discrimination dans la population générale.
La discrimination au travail peut être plus insidieuse puisqu’elle est souvent plus subtile. Exemples:
- mépris,
- promotions non offertes,
- paie inférieure,
- blagues ou commentaires dépourvus de tact,
- microaggressions
3. être confronté à l’exclusion systémique en matière d’éducation et d’opportunités
L’accès à l’éducation varie fortement en fonction de divers facteurs, dont la race. Les Canadiens noirs sont plus instruits que jamais, mais leurs niveaux de scolarité demeurent inférieurs à ceux des Canadiens blancs.
Selon Statistiques Canada: 60,9 % des Canadiennes noires ont un diplôme d’études postsecondaires. Par comparaison, cette proportion est de 66,5 % pour les Canadiennes blanches. Les différences se font également sentir entre les opportunités de formation.
Par exemple, malgré leur histoire impressionnante et le grand nombre de diplômés réputés, les collèges et universités accueillant traditionnellement des étudiants noirs (HBCU) sont souvent considérés comme moins prestigieux que les établissements principalement fréquentés par des Blancs.
De nombreux établissements d’enseignement sont contingentés pour les communautés racisées, la barre est donc plus haute pour ceux et celles qui réussissent. Le manque d’accès à l’éducation supérieure limite les possibilités de carrière et perpétue ce cercle vicieux.
4. gérer les micro agressions et des biais
Selon une étude publiée dans le Harvard Business Review, les candidats qui ont rendu leur nom et leur CV plus « blancs » ont de bien meilleures chances de recevoir un appel après avoir soumis leur candidature pour un poste.
Selon cette étude 10 % des candidats noirs ont reçu un appel à la suite de leur candidature « non modifiée ». Cette proportion est de 25 % de ces mêmes candidats qui ont rendu leur CV plus « blanc » en changeant leur nom et en supprimant des références aux organisations noires auxquelles ils étaient associés.
L’étude a également dévoilé que les employeurs qui affirment être des « employeurs souscrivant au principe d’équité en matière d’emploi » ou qui encouragent des candidats issus des minorités à postuler n’étaient pas moins biaisés que les autres employeurs.
On peut constater à quel point les biais systémiques présents parmi les gestionnaires embaucheurs ne peuvent être éliminés par un simple mandat visant la diversité.
5. leur autorité est plus souvent contestée
Les Noirs ont moins de chances que leurs opinions et idées soient acceptées d’entrée de jeu que celles de leurs collègues blancs. Le racisme systémique renforce le biais implicite que les Noirs sont moins fiables et moins compétents. Il est donc plus difficile pour eux d’établir leur crédibilité et d’avoir l’autorité nécessaire pour que leurs opinions soient bien considérées.
En milieu de travail, être Noir est souvent vu comme un désavantage à surmonter plutôt que comme une valeur ajoutée offrant une perspective unique. Les dirigeants sont plus enclins à accepter les idées des gens qui leur ressemblent (c’est ce qu’on appelle un « biais de similitude »).
Puisque les dirigeants actuels sont majoritairement des hommes blancs (qui occupent 72 % des postes de haute direction), la vision des hommes blancs dans le monde des affaires se perpétue.
6. les politiques de diversité et d’inclusion ne répondent pas à leurs besoins
Les travailleurs noirs sont traditionnellement moins susceptibles de s’impliquer dans leur milieu de travail et sentent qu’ils doivent changer de personnalité pour s’intégrer (voir le point sur l’alternance codique ci-dessus).
La charge émotionnelle associée au maintien de cette façade est souvent lourde et réduit la satisfaction au travail. Même si tous les groupes racisés ont admis gommer une partie de leur identité pour s’intégrer au travail, selon une étude de Catalyst, cette pratique est surtout présente chez les femmes noires:
- 46 % des femmes noires et 36 % des hommes noirs s’attendent à subir de la discrimination
- 69 % ont avoué avoir songé à démissionner à cause de la discrimination
Cette disparité est souvent due au manque de considération envers les besoins uniques des employés noirs. Même si de plus en plus de responsables du recrutement cherchent à diversifier leur effectif, l’inclusion fait souvent défaut.
Les politiques permettent aux Noirs et autres personnes racisées de mettre un pied dans l'entreprise, mais c’est le véritable sentiment d'inclusion qui leur offre un sentiment de sécurité pour partager leurs idées et leur authenticité. Découvrez comment nous pouvons encourager les femmes noires leaders ici.
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Découvrez ici comment vous pouvez favoriser l’ascension des femmes racisées.
7. on attend souvent des travailleurs noirs qu’ils parlent au nom de l’ensemble de leur communauté
Il n’est pas rare que les hommes ou femmes noirs soient la seule personne noire dans la pièce (parfois même la seule personne de couleur), en particulier au fur et à mesure qu’ils gravissent les échelons hiérarchiques.
On s’attend donc souvent à ce que cette personne parle au nom de tous les Noirs et de toutes les personnes racisées, ce qui leur impose de se faire porte-parole d’un groupe très diversifié ayant des opinions, histoires et idées tout aussi diversifiées.
Cette pression est encore plus forte chez les femmes noires qui, statistiquement, sont plus souvent « la seule » dans un groupe; elles subissent la double pression d’être la seule Noire et la seule femme. Cette unicité augmente la conscience de soi et donne l’impression d’être « en vitrine ».
Si une personne est plus visible, ses actions et ses erreurs le sont souvent aussi.
8. les attentes envers les travailleurs noirs sont souvent irréalistes
Au cours des dernières décennies, les politiques d’embauche diversifiée sont devenues plus courantes. Les entreprises veulent pouvoir affirmer avoir un personnel diversifié. Bien que le fait de donner priorité à un candidat issu de la diversité soit une bonne manière d’égaliser les chances après des siècles d’exclusion et de racisme systémique, la réalité d’une personne embauchée « pour la diversité » n’est pas aussi simple.
Ces candidats sont souvent dénigrés par leurs collègues qui leur reprochent d’avoir sauté des étapes ou d’avoir un avantage injuste. On présume que ces candidats n’ont pas les compétences requises pour occuper les postes pour lesquels ils ont été engagés. Même si c’est totalement faux, le biais persiste.
Pour faire mentir ces médisances, les employés noirs doivent exceller et en faire bien plus que ce qu’on exigerait d’un Blanc pour prouver qu’ils ont mérité leur nomination. De la même manière, le pas pour se qualifier pour un poste plus prestigieux est aussi bien plus grand.
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